Améliorer la qualité, la productivité et réduire des délais sont les principaux objectifs de nombreuses entreprises qui mettent en place des organisations du travail inspirées par le Lean management.
Je vous propose dans cet article deux axes de réflexion, le premier revient rapidement sur les fondamentaux du Lean Management ; le second sur les effets et conséquences que sa mise en œuvre peut avoir sur la qualité de vie au travail et la santé des salariés.
1 – Le Lean Management
La nécessaire adaptation des entreprises face aux contraintes économiques et budgétaires toujours plus fortes, de nombreuses entreprises mettent en place des démarches et outils Lean pour améliorer la performance. Les objectifs visent à améliorer les résultats en matière de qualité, de productivité, de délais et de réduction des coûts.
Les principes affichés s’inspirent du système de production développé au Japon par l’entreprise Toyota dans les années 60 et 70.
L’ouvrage de Jeffrey K. Liker, « The Toyota way » nous présente les 14 principes du Lean Management qui se divisent en 4 catégories et constituent les fondations de la pensée Lean, ils fondent le système Toyota.
Voici le résumer de ces principes :
Une philosophie du long terme
- Penser sur le long terme : Baser la prise de décision sur une philosophie à long terme, en acceptant les conséquences financières à court terme
Les bons processus donneront les bons résultats
- Fluidité : Créer des processus en flux pièce à pièce pour permettre de mettre en évidence rapidement les problèmes (flux continu).
- Flux tirés : Utilisez des systèmes de « flux tiré » pour éviter la surproduction
- Production constante et lissée : Lissez la production (heijunka).
- Automatisation avec une touche humaine : Créez une culture de résolution immédiate des problèmes, de façon à produire de la qualité du premier coup.
- Tâches standardisées : La standardisation du travail (des tâches) est la base de l’amélioration continue et de l’implication, de la responsabilisation des collaborateurs
- Contrôles visuels : Utiliser le management visuel afin qu’aucun problème ne reste caché.
- Technologies et méthodes fiables : Ne mettre en service uniquement des technologies fiables, longuement éprouvées, qui servent les collaborateurs et les processus.
Apporter de la valeur à l’organisation en développant les personnes
- Cultiver les leaders : Formez des responsables qui connaissent parfaitement le travail, incarnent la philosophie et l’enseignent aux autres.
- Faire monter en compétence les personnes de qualité : Formez des individus et des équipes de travail exceptionnels qui appliquent la philosophie de votre entreprise.
- Respecter et motiver ses partenaires : Respectez votre réseau étendu de partenaires et de fournisseurs en les encourageant et en les aidant à progresser et s’améliorer.
La résolution continue de problème est un moteur d’apprentissage pour l’organisation
- Aller toujours sur le terrain : Allez sur le terrain pour bien comprendre en profondeur la situation (genchi genbutsu).
- Prendre les décisions en consensus : Décidez en prenant le temps nécessaire, par consensus, en examinant en détail toutes les options possibles. Appliquez rapidement les décisions choisies.
- Amélioration continue : Devenez une entreprise apprenante grâce à la réflexion systématique (hansei) et à l’amélioration continue (kaizen).
Quelques outils du Lean :
- 5S : Initiales de cinq termes japonais qui désignent les étapes d’une méthode d’organisation, de rangement et de nettoyage des postes de travail et de leur environnement : Seiri, Seiton, Seiso, Seiketsu, Shitsuke
- VSM : Value Stream Mapping : outil permettant de cartographier les flux physiques et d’information d’une entreprise. Cette cartographie permet d’identifier les sources de valeur ajoutée ainsi que les sources de gaspillages pour les réduire ou les éliminer.
- Kanban : Kanban, ou étiquette en japonais. Un système Kanban est un système de management de la production par reconstitution d’un stock dans lequel le client est venu prélever son besoin. Par un système de cartes de prélèvement ou de fabrication, on s’assure de ne produire que ce dont le client a besoin, dans une logique de flux tiré.
- SMED : Single Minute Exchange of Die : démarche pour le changement rapide de série ou d’outillage, en moins de dix minutes.
- Kaizen : Philosophie d’amélioration continue destinée à supprimer les « gaspillages » et simplifier les processus. Elle s’appuie sur la participation des opérateurs à des analyses sur le terrain.
- Takt Time : Temps nécessaire pour produire une pièce selon le rythme de la demande moyenne du client. Il est calculé en divisant le temps total disponible pour la production par le nombre de pièces demandées par le client sur la même période.
- Andon : Dispositif visuel permettant d’alerter le superviseur en cas d’aléa de la production. Il peut être actionné manuellement par un opérateur ou automatiquement par une machine.
2 – Les effets du Lean Management
Hormis son objectif affiché de réduction des coûts, une des promesses du Lean Management est également de donner aux salariés les moyens de travailler dans de bonnes conditions. Ainsi que de chercher à valoriser la prise en compte des facteurs biomécaniques de risque au poste de travail. Cela ne suffit pas cependant à supprimer les risques de TMS et autres effets sur la santé des salariés puisque le résultat dépend bien évidemment aussi de la nature et du processus des transformations.
Revenons sur ce point au travers de la note technique de l’INRS (1) qui fait un zoom sur les nombreuses études montrant que les pratiques inspirées du Lean Management sont parfois défavorables aux conditions de travail.
Un débat existe aujourd’hui sur les conséquences en matière d’intensification et de densification du travail et des effets possibles sur la santé et la qualité de vie au travail. Il repose sur l’analyse critique des pratiques de ce mode d’organisation vis-à-vis de la nécessité de la prévention des risques professionnels. Elle montre que les changements organisationnels liés à la mise en place des démarches et outils de Lean Management ne sont pas toujours cohérentes avec la santé, la sécurité et la qualité du travail des salariés.
L’INRS liste les points suivants :
- L’organisation d’une polyvalence des opérateurs n’est pas toujours accompagnée de formations adéquates ni d’une évaluation des impacts potentiels sur le personnel.
- L’effort de standardisation ne laisse pas toujours aux opérateurs les moyens de traiter les problèmes à leur niveau, ni l’autonomie décisionnelle nécessaire pour qu’ils puissent réguler leur activité.
- Considérer les actions à éliminer sur le seul critère de la valeur ajoutée du point de vue du client peut conduire à supprimer des actions ou des informations qui permettent aux opérateurs de préserver des marges de manœuvre autant utiles à leur santé qu’à la performance globale de l’entreprise.
- Le management de proximité n’est pas toujours en mesure d’encourager la remontée de problèmes pour les résoudre, en raison de la pression d’objectifs à court terme.
- Les conditions d’une réelle participation des opérateurs dans les chantiers d’amélioration continue peuvent ne pas être satisfaites et la participation des opérateurs ne suffit pas à garantir une contribution et une adhésion effective.
Sous certaines conditions, la mise en place d’une démarche de Lean Management doit néanmoins s’accompagner de réflexions et d’actions en faveur de la santé et de la sécurité au travail. Son implantation et sa mise en œuvre se déclinent de manière très différente d’une entreprise à l’autre, avec des résultats contrastés selon la manière dont les déploiements des outils du Lean Management sont accompagnés et s’articulent avec la démarche de prévention des risques professionnels.
Pour approfondir ce sujet nous vous invitons à approfondir cet article par là :
- Lecture de l’ouvrage de Jeffrey K. Liker, « The Toyota way »
- La visite du site de l’INRS
Jean POSIERE
(1) Association loi 1901, sans but lucratif, l’Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)